LE FEU AUX POUBELLES !

Nous avons redirigé cet article car nous le trouvons synthétique et complet.

http://www.leclaircit.net/2016/10/02/le-feu-aux-poubelles/

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Le projet de construction à La Chapelle-Saint-Luc d’une Unité de Valorisation Energétique, en d’autres termes un incinérateur d’ordures ménagères, ne mérite-t-il pas qu’on en discute  sérieusement ?

Une histoire qui ne date pas d’aujourd’hui

Le 25 janvier 1991, face aux problèmes soulevés par le manque de cohésion régnant en France sur la question du traitement des déchets, un arrêté relatif aux installations d’incinération de résidus urbains est publié.

Plus de la moitié des installations d’incinération d’ordures ménagères sont encore en infraction à la réglementation au début de 1997. Sept de ces usines non conformes fonctionnent encore à la fin de 1999, soit 9 ans après la publication de cet arrêté.

C’est à la fin de cette année-là qu’est publié le Rapport Miquel sur le recyclage et la valorisation des déchets ménagers.

Le 28 décembre 2000, une directive européenne vient appuyer cette démarche, rendant un peu plus contraignantes les règles à appliquer.

En octobre 2004, alerté par la confirmation de l’existence d’un risque augmenté de développer un lymphome malin non hodgkinien pour les personnes résidant à proximité de l’incinérateur d’ordures ménagères de Besançon, le gouvernement se penche sur la questionde l’exposition aux dioxines. Deux ans plus tard, l’incinération des ordures ménagères en demeure la première source d’émission,notamment en Ile-de-France .

En Allemagne, on ne sait par ailleurs déjà plus que faire des résidus de cette incinération et on envisage des solutions qui soulèvent pas mal d’interrogations.

Dans l’Aube

Le Centre de stockage et de valorisation des déchets de Montreuil-sur-Barse (par la Générale des Eaux à l’époque, aujourd’hui Véolia) est ouvert en 1986, avec autorisation d’exploitation jusqu’en 2017.

Les dépôts d’ordures sont alors encore très nombreux dans le département de l’Aube. La DDAF en dénombre une centaine selon une étude réalisée en 1992.

On commence à s’interroger sur l’opportunité de ces décharges disséminées sur tout le territoire. A ce moment, on se penche sur lamodernisation de celles-ci (à l’instar de celle de Montreuil-sur-Barse), faute d’envisager d’autres solutions.

Le site de Bar-sur-Seine est fermé définitivement en 2010, bien que l’autorisation soit valable jusqu’en 2018. On se réserve néanmoins la possibilité de le rouvrir en cas de besoin…

L’exploitation de la décharge de Saint-Aubin (censée fermer le 1er septembre 2014) semble susciter quelques questions.

Les quelques efforts consentis ne suffiront pas à rassurer la population.

On se souvient encore de l’exemple significatif du projet de la décharge « Chazelle » qui n’a jamais pu voir le jour à la ferme des Colons, sur la commune des Loges-Margueron, grâce à l’obstination des défenseurs de la forêt et d’habitants de la région, s’opposant à la municipalité, fort désireuse pour sa part de voir ses ressources augmenter substantiellement…

Les interrogations vont commencer à se faire plus perceptibles.

Les pouvoirs publics ne peuvent plus jouer la politique de l’autruche et la mobilisation de quelques citoyens est suffisamment visible pour que les projets d’extension donnent lieu à des enquêtes publiques, qui connaissent alors un certain intérêt de la part des riverains  mais dont les résultats iront toujours dans le sens des industriels.

La société SITA DECTRA (groupe Suez) est autorisée à poursuivre l’exploitation de l’Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux de Saint-Aubin jusqu’en 2021.

Un incinérateur, pour quoi faire ?

L’idée d’un incinérateur destiné à absorber tous ces déchets dans l’Aube n’est pas nouvelle mais c’est en 2013 que les choses commencent à se gâter. Face aux velléités du Syndicat Départemental d’Elimination des Déchets de l’Aube (SDEDA) de construire une Unité de Valorisation Energétique (UVE), en d’autres termes, un incinérateur d’ordures, dans l’agglomération troyenne, les oppositions se font rapidement connaître .

En septembre on se demande sérieusement si l’incinération est vraiment un mode de gestion écologique des déchets.

La question qui se pose, avant même d’en prouver l’utilité, est celle de son emplacement.

Pascal Houpion expose clairement les bonnes raisons d’oublier ce projet : baisse du volume de déchets, d’où 10 années de rentabilité pour un investissement prévu pour 40 à 50 ans, d’autres incinérateurs existent à proximité (Reims, Chaumont, Châlons), ne sont pas tous rentables et fonctionnent en dessous de leur capacité;  l’incinération est un non-sens économique puisque dans quelques années, le recyclage, la méthanisation et le tri couvriront largement les besoins, le département se voulant précisément à l’avant-garde de ce procédé de méthanisation.

En juillet 2015 le SDEDA passe à l’offensive et annonce par voie de presse la création d’une Unité de Valorisation à La Chapelle-Saint-Luc.

Il semble que l’information de la population concernée ait été jusqu’alors largement insuffisante, ce qui soulève, une fois de plus,pas mal d’interrogations.

L’association Aube Durable réagit à cet article et explique qu’il est  «absurde d’expliquer, comme le fait la présidente du SDEDA que les incinérateurs ne polluent plus et que le chiffre de 120 000 tonnes avancé dans cet article par le SDEDA est infondé », que « le « gisement » de déchets permettant de justifier l’incinérateur a toujours été de 90 000 tonnes (s’appuyant sur les chiffres de 2011) », chiffre à nuancer puisque « cette base est amenée à se réduire fortement si la tarification incitative est mise en place ».

La même association distribue des tracts en vue d’informer la population du secteur concerné.

Le SDEDA répond en arguant de la création de 30 emplois à la clé.

La polémique dépasse vite le cadre environnemental, puisque les choix, notamment en matière d’implantation du site, ne sont pas anodins, la société Michelin se montrant très intéressée pour une source d’approvisionnement énergétique particulièrement avantageuse parce que juste à ses portes.

La fin de l’année 2015 et le début de 2016 voient le débat prendre une nouvelle envergure. Aube Durable lance une pétition.

Le SDEDA ne sait plus trop quels arguments développer, allant jusqu’à se contredire lui-même en se déclarant partisan du tri et de la valorisation des déchets, ce qui va à l’encontre de son projet d’incinération, puisque cela conduirait à créer la pénurie dans l’approvisionnement des fours en matière première.

Les élus de la commune concernée au premier chef, La Chapelle-Saint-Luc, se montrent plutôt divisés sur le projet, poétiquement nommé « Valaubia ».

C’est alors que, sans doute dans le but de rassurer la population, le SDEDA annonce le choix du prestataire, VEOLIA, comme si cette société devenait soudain le modèle-même du Saint-bernard  de la sauvegarde de l’environnement dans le département (alors qu’elle y gère depuis déjà 30 ans la majorité du traitement des ordures).

C’est ainsi qu’à l’initiative de l’association Saviplus, une réunion a réuni ce mardi 27 septembre à Sainte-Savine une bonne centaine de personnes.

Si certains ont réussi à qualifier le débat de riche ou d’informatif et contradictoire, nous, qui faisions partie du public, n’y avons pas trouvé notre compte et nous interrogeons encore. A travers ses propos, Mme Danièle Boeglin, présidente du SDEDA et, par ailleurs, conseillère municipale à La Chapelle St-Luc, vice-présidente du Conseil départemental, membre du bureau du Comité européen des régions, n’éprouve aucun doute sur la certitude de la réalisation de son projet, alors qu’une enquête d’utilité publique doit être  diligentée entre septembre 2016 et septembre 2017.  Elle apporte néanmoins les preuves irréfutables de l’utilité de cette installation et du caractère inexorable du processus enclenché.

Alors, pour ?

Il faut prendre en compte la saturation des dépôts actuels dans le département des deux Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux de l’AUBE (ISDND – Montreuil sur Barse et Saint-Aubin).

Les directives européennes vont limiter à terme le recours à ce procédé d’élimination des déchets.

Les retombées économiques des incinérateurs sont nombreuses (lire ici, ici et ici).

Selon Mme Boeglin, l’incinération des 60 000 tonnes annuelles produira l’équivalent en électricité de la consommation annuelle de 50 000 habitants – soit un Aubois sur six – et l’équivalent en chauffage, via le réseau de chaleur, pour 8 900 habitants.

Le mâchefer issu de la combustion sera utilisé en sous-couche pour des travaux routiers.

Quelque 250 emplois (chiffre ramené aujourd’hui à 150) seraient générés par la construction, devant durer 29 mois (18 aux dernières nouvelles), de cet important ouvrage, puis 30 emplois seront nécessaires à l’exploitation (ramenés aujourd’hui à 20, comme indiqué par Mme Boeglin elle-même lors de la réunion du 27 septembre) auxquels on doit ajouter des emplois indirects chez les prestataires extérieurs (maintenance, etc)…

C’est essentiellement de la vapeur d’eau qui s’échappera de la cheminée. Les émanations d’oxyde d’azote seront, grâce aux procédés hautement performants de filtrage, quatre fois inférieurs aux normes en vigueur…

Le coût du traitement n’augmentera les charges que d’1 €  par an pour une famille moyenne…

ou contre ?

Le Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets(CNIID) démontre, preuves à l’appui, que le traitement de nos déchets par incinération est un procédé obsolète, qu’il s’agit d’un choix politique de soutien à l’industrie française d’incinération des déchets, que ce choix est irréversible (il s’agit d’un engagement de 40 ans avec Véolia), qu’il reste, malgré les évolutions technologiques, un producteur et un diffuseur de substances polluantes dans l’environnement, avec des effets sur la santé humaine, malgré les évolutions réglementaires et technologiques, que ce n’est pas « la dose qui fait le poison », mais la durée d’exposition, qu’il s’agit d’une combustion énergivore, que les émissions de CO2 ne sont que partiellement prises en compte, que c’est une production d’énergie faussement « renouvelable » et, enfin, un gaspillage de l’ « énergie grise » (celle qu’il a fallu pour les produire à l’origine) des déchets et ressources naturelles…

En ce qui concerne notre future UVE, l’intérêt économique sera vite limité, compte tenu de la baisse prévisible de la production de déchets, avec la mise en place de la tarification incitative qui sera une réalité dans deux « communes test » de l’Aube en 2017 et dans tout le département en 2020.

Le SDEDA encourage lui-même le tri des déchets. « Le syndicat consacre une part importante de son budget au tri et au traitement des déchets (10 M €) et a pour objectif de recycler toujours davantage ». (L’Est-Eclair du  01/04/2016)

On peut effectivement se demander pourquoi on reconnaîtrait desrisques professionnels pour les employés des usines d’incinération des ordures ménagères et pas chez les riverains desdites usines, qui ne pourront jamais prétendre être totalement à l’abri d’un incident.

Quant à la démocratie…

On peut qualifier l’insuffisance d’information du public, jusqu’alors, de véritable déni démocratique.

C’est en catimini que l’enquête d’utilité publique a été lancée le 23 mai 2014 sur le « Plan Départemental de Prévention et de Gestion des Déchets Non Dangereux » et non pas sur le projet de création d’un incinérateur. Elle a reçu seulement 2 observations, dont l’une, qui plus est, jugée hors sujet…Elle a donc reçu un seul « avis favorable »…

L’association Saviplus, qui soutient la municipalité actuelle de Sainte-Savine, mérite d’être saluée pour son initiative de la réunion du 27 septembre. On s’autorisera néanmoins à se demander dans quelle mesure celle-ci n’avait pas pour objectif, dans l’esprit des élus partisans du projet, de calmer les esprits. Il est très légitime de s’interroger lorsqu’on constate qu’une majorité des édiles des communes du Grand Troyes se déclarent ouvertement en faveur de ce projet coûteux, inutile et dangereux.

Et maintenant

Dès 1987, Bill Mc Donough et Mickael Braungart prédisaient que, à l’image de la nature qui ne produit pas de déchets mais les consomme comme nutriments, tout produit serait un jour biodégradable ou recyclable à l’infini. Encore faudrait-il en avoir la volonté. Il nous reste encore bien du chemin à faire…

Lors de la 5ème édition de son Festival Ecol’aube,  les 1er et 2 octobre dernier, l’association auboise n’a pas manqué d’ouvrir ses portes à Aube Durable pour la tenue d’une conférence où ont été abordés avec la sincérité et l’exhaustivité requises le projet d’incinérateur, son utilité réelle, ses répercussions économiques et environnementales et la place des citoyens dans le processus de décision.

En attendant, les prochaines enquêtes publiques seront réalisées entre septembre 2016 et septembre 2017, date prévue pour le début de la construction de ce monstre qui, si suffisamment de citoyens se mobilisent d’ici là, pourrait peut-être bien ne jamais voir le jour…

Voir aussi :
http://www.aube-ecologie.info/

http://zerodechet.info/

 

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